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2. GASTON LAUNER. La Résistance a 14 ans - Drôle d'endroit pour des messages - L' abattoir clandestin - Tiens, vlà du collabo ! - Funeste 24 septembre 1944 - Marguerite et Prosper.

Pour écouter la conférence donnée par Gaston Launer, veuillez cliquer sur le lien ci-dessous :

 

À LA PETITE-RAON

""Et mon père va rentrer dans la Résistance. Je vais le suivre; je vais découvrir qu'il va se coucher le soir avec un révolver sous la taie d'oreiller.

Et puis, mon père est tailleur d'habits; il avait une forte clientèle. C'est sûrement pour cette raison que les résistants se réunissent chez nous pour écouter Radio Londres. Il faut baisser le son au minimum pour ne pas être mouchardés. Moi, pendant ce temps, je fais le guet devant la maison, faisant semblant de m'amuser.

 

Et puis, mon père continue à être en Résistance; il va avoir une certaine confiance en moi, et c'est moi qui, avec des messages cachés dans mon slip, irai porter des messages aux résistants et même aux gendarmes de la brigade de Moussey.

Je me souviens un jour, alors que je me rends dans ce village, arrivé près de la croix de mission, le pneu arrière de mon vélo éclate, provoque un gros pet.

La sentinelle allemande qui est toute proche braque son fusil sur moi en prononçant des mots furieux. Alors je lui montre l'état de mon vélo et il se met à rigoler.

S'il a eu peur, moi aussi j'ai eu peur car j'ai dans mon slip un message pour les gendarmes.

 

Les évènements se poursuivent.

Arrivent les parachutages des anglais. J'assiste aux parachutages avec mon père et tous les résistants.

C'était comme de la magie de voir arriver au sol ces hommes, ces munitions et même des jeeps.

 

Et puis, mon père, qui est tailleur d'habits, a une grosse clientèle. Dans l'écurie, au fond de la grange, il va y avoir un abattoir clandestin. Ce seront des hommes de métier qui tueront les bêtes.

Je ne saurai jamais la provenance et je n'assisterai jamais à l'abattage des bêtes parce que j'aime trop les bêtes.

Les gendarmes viennent chez nous chercher la viande, les résistants aussi, en sac à dos.

Quand les gendarmes sont prêts à partir de chez nous avec leur chargement de viande, je vais me placer un peu plus loin à l'intersection des routes pour m'assurer qu'il n'y a pas de patrouille allemande. Si y a rien à signaler, de ma poche je sors un gros mouchoir blanc et je fais, je (incompréhensible/14'20'') l'air pour faire savoir qu'il n'y a pas de danger.

Par contre, s'il y a danger, je prends mon vélo et je fais le tour du village en éclaireur. Je monte par derrière chez nous, sur le chemin des roches qui devient mon observatoire. De là, je verrai beaucoup de combats d'avions, des avions qui seront abattus mais que je ne pourrai pas identifier, avec une fumée noire au derrière, qui tombe derrière eux, comme cet avion qui est tombé, un avion canadien qui est tombé à la Poterosse à Senones dans un gros fracas; et cet avion que je voyais me tomber dessus et qui mitraillait (incompréhensible/15'14'') dans un fracas infernal.

 

Les rangs de la Résistance grossissent. Mon père m'a donné une liste de collabos du village, je les connais tous. La plupart ont mis le brassard FFI quand les américains sont arrivés.

 
Porche et porte imposants de l'église Saint-Sébastien et Saint-Quirin de La Petite-Raon.
Cette même église vue de l'intérieur, (crédit photo : choeur des 3 abbayes).




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Plaque apposée contre le mur de l'église, à gauche en entrant.

Arrive le 24 septembre 1944. Ce jour-là, c'est un dimanche. Le soleil, le ciel est bleu. On se réjouit, mon petit frère et moi, parce que c'est la fête patronale à Senones et il y a quelques manèges.

Et tout à coup, le village va être cerné et les nazis vont rentrer dans chaque maison pour nous expulser à coups de crosse de fusil et de mitrailleuse.

On quitte les maisons comme on est, mal chaussés, avec une veste ou pas, et tous on est rassemblés devant la mairie, d'un côté les hommes, de l'autre côté les femmes et les enfants.

Moi qui n'ai plus de maman, je regarde mon père de l'autre côté et je m'approche du rang des hommes avec mon petit frère par la main.

Mon regard va croiser celui d'un collabo, un collabo qu'a pas été prévenu à temps pour aller se cacher. Il partira avec les autres.

En face de nous, les nazis, mitrailleuses, mitraillette au poing, fusils-mitrailleurs; et les hurlements, hurlements des nazis qui nous menacent...

 

Tout à coup un ordre est donné, les hommes s'en vont à pied du côté du col du Hantz; on ne saura pas de quel coté qu'ils iront. Tout le monde croit qu'ils vont travailler en Allemagne parce que personne ne sait qu'existent les camps de la mort.

 
Plaque apposée contre le mur de la même église, également à gauche en entrant.

Brutalement, les nazis vont nous bousculer pour nous enfermer dans l'église. L'église est prévue pour 400 à 500 personnes; nous serons plus de 1000 habitants enfermés dans l'église pendant près de cinq heures.

À l'église, il y a des malades, des personnes qui toussent, des mamans qui ont leur bébé sur les bras.

Tout le monde sait, tout le monde sait... - tout le monde , c'est un grand mot ! - mais beaucoup de nous savent ce qu'il s'est passé à Oradour-sur-Glane par Radio Londres. Les Soeurs nous disent "mes enfants, ils vont nous tuer ! Priez, priez mes enfants !". Les gens prient.

Les nazis hurlent ; ils arpentent les allées de l'église; ils montent sur l'autel avec leurs armes en braquant sur nous. À tout moment, on pense qu'ils vont nous massacrer mais personne n'a peur, personne ne fait voir sa peur.

Avec mon petit frère par la main, je veux me sauver. J'approche de la sortie. En face, une mitrailleuse est braquée face au parvis de l'église.

Impossible de se sauver !

 

Et puis, à un moment donné, les Allemands nous font sortir de l'église sans explication, bien sûr.

Mon petit frère par la main, je me trouve perdu dans la foule, dans les va-et-vient des nazis. C'est à ce moment-là qu'un couple de quinquagénaires - ils s'appelaient Marguerite et Prosper - nous amène chez eux.

On a mangé du pot-au-feu qu'avait été (incompréhensible/20'51'') la veille. C'était bon parce qu'on avait faim.

Le Prosper il dit, Marguerite dit, les allemands ayant pillé plusieurs maisons "et si les allemands avaient mis du poison dans la soupe ?" Le Prosper il dit "on verra bien si on a des coliques".

 

À VENDREDI PROCHAIN, 20 SEPTEMBRE, POUR LES SUITE ET FIN DE CETTE CONFÉRENCE PRONONCEE, IL Y A DOUZE ANS, PAR GASTON LAUNER !

 

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